An 508
Un grand homme barbu tenait le visage de celle qui, depuis peu, était devenue sa seule raison de rester. De chaudes larmes coulaient sur les pommettes rebondies de Hunith alors qu’elle l’implorait de partir. L’armée d’Uther Pendragon, le roi de Camelot, avait été vue s’approchant du royaume de Lot et elle savait que Balinor était poursuivi. Le petit village d’Ealdor ne pouvait plus suffire à le cacher et, pour sa survie et pour celle de la femme qu’il aimait, le Seigneur des Dragons (peut-être le dernier de sa lignée) savait qu’il devait fuir. Il ne fallait pas, en ces temps de répression qu’ils nommeraient un jour Grande Purge, que la nature humaine de Hunith puisse être remise en question. Il disparut dans les bois et se cacha dans une grotte de la forêt d'Essetir, où il vécut caché près de vingt ans. Les premiers signes de grossesse se manifestèrent peu de temps après que Balinor soit parti et Hunith, ne sachant pas où trouver le père de son enfant, ne put jamais lui faire porter le message de la naissance de son fils.

Le jeune garçon fut élevé par sa mère et Hunith sut très tôt qu’elle le verrait grandir dans la peur de ce qui pourrait lui arriver. Très tôt, le petit garçon avait manifesté des dons extraordinaires. D’un naturel très curieux, le nourrisson tournait et se retournait dès que cela était possible et de petits objets semblaient flotter par eux-mêmes autour de lui. Il ne parlait pas encore, mais la source de ces manifestations fantastiques ne faisait aucun doute. La mère courageuse décida d’abord de cacher les pouvoirs magiques de son fils dans le village. Elle éleva Merlin dans la discrétion et lui apprit très tôt qu’il devait cacher sa véritable nature au reste du monde, sans quoi sa vie serait en péril. Elle lui parla sommairement de la Grande Purge, naviguant péniblement entre le trauma et la mise en garde. Merlin grandit à Ealdor, parmi ses villageois, mais sa différence semblait briller, alors même qu’il cherchait à la cacher. Il ne se fit presque aucun ami dans le village. Seul Will, son meilleur ami, l’accompagna dans ses premières expériences de la vie. Il découvrit bientôt les facultés extraordinaires de Merlin, mais jura de les garder secrètes.

An 526 et 527
Hunith ne pouvait plus nier ce qui était de plus en plus évident. Malgré toute l’éducation qu’elle pouvait lui donner, sa mère voyait anxieusement les pouvoirs de Merlin grandir avec lui et parfois lui échapper. À l’aube de ses dix-huit ans, elle prit la décision difficile de contacter un vieil ami en qui elle avait toute confiance. Elle savait que le médecin de la cour de Camelot, Gaius, avait pratiqué la magie et n’était pas étranger à l’Ancienne Religion. Aussi, elle lui demanda de bien vouloir veiller sur son fils et de l’éduquer dans la connaissance de ses pouvoirs. Si la demande était dangereuse, Gaius résident à la cour même de celui qui avait engagé la Grande Purge vingt ans plus tôt, elle sembla nécessaire et Merlin quitta le petit village d’Ealdor pour s’installer avec le vieil homme, qui, très vite, devint le père qu’il n’avait jamais connu.

Si Merlin possédait un talent inné pour la magie, il semblait aussi en avoir un pour s’attirer les soucis. Alors qu’il arrivait à Camelot, il assista à l’exécution d’une sorcière qui s’échappa sous les yeux affolés de la cour et des paysans venus assister à la décision de justice d’Uther Pendragon. Très vite, Gaius l’engagea à apprendre dans les livres, mais il l’avertit qu’ici plus qu’ailleurs, Merlin devrait cacher ses dons s’il voulait survivre. Le garçon, innocent et naïf, ne put s’empêcher de défendre un homme qui se faisait chahuter par des chevaliers. Arthur Pendragon, le Prince héritier, ne voulut pas l’entendre de la même oreille et, lorsque Merlin lui sauva la vie lors d’un banquet et qu’Uther décida de placer le jeune homme au service de son fils, aucun des deux accueillit la nouvelle avec beaucoup de joie. Merlin se lia très vite d’amitié avec une autre servante et la fille du forgeron, Guenièvre.
Le destin semblait avoir amené Merlin à la cour du roi Uther et lorsque des voix l’appelèrent, il découvrit Kilgharrah, le Grand Dragon, dans les cachots de la cour. Celui-ci lui révéla la prophétie qui faisait d’Arthur Pendragon le Roi unique et futur d’Albion. À ses côtés, Merlin l’aiderait et le protégerait de maux plus grands encore que la guerre pour qu’Arthur accède un jour au trône et restaure la magie dans le royaume.

Ce qui fut d’abord une corvée se transforma bientôt en une fabuleuse histoire d’amitié. Les deux hommes, bien que de rangs les plus opposés, se lièrent d’amitié et apprirent non seulement à se faire confiance, mais aussi à se respecter. Quelque chose, plus grand que ces deux hommes, semblait les réunir.

Lorsque Merlin et Arthur furent envoyés par Gaius retrouver le dernier Seigner des Dragons, seul homme capable d’arrêter le Grand Dragon qui décida alors de se venger d’Uther et de Camelot, le jeune homme fit la rencontre de son père, Balinor. Bien que reluctant, l’ermite accepta finalement d’utiliser ses dons pour arrêter Kilgharrah. Les quelques heures qu’ils passèrent ensemble permirent à Merlin d’apprendre à connaître son père et à comprendre sa décision de quitter sa mère pour la protéger. Il fut malheureusement tué par un soldat du roi Cenred sur le chemin qui devait les mener à Camelot. Merlin arrêta le Grand Dragon, découvrant les dons dont il avait hérité de Balinor, faisant de lui un des derniers (si ce n’est le dernier) Seigneur des Dragons encore en vie.

An 533
Celle qui jusqu’alors partageait nombreuses de ses valeurs et qu’il considérait comme une amie s’avéra devenir celle contre qui le Grand Dragon l’avait mis en garde. Morgane Pendragon, pupille du Roi Uther, conspira en secret à la prise de Camelot et bientôt à la mort d’Uther Pendragon pour avoir décimé les êtres magiques. Elle le blâma pour la mort de Gorlois, celui qu’elle croyait encore être son père. Cette découverte secoua profondément Merlin qui crut d’abord pouvoir sauver Morgane d’elle-même. Elle lui prouva maintes fois le contraire, allant même jusqu’à s’attaquer à ses amis et à faire condamner Guenièvre à mort pour avoir prétendument ensorcelé Arthur. Il ne la reconnaissait plus, la femme assoiffée de pouvoir qu’elle était devenue et qui avait pris par deux fois le trône de Camelot, n’ayant plus rien à voir avec celle qui, juste et altruiste, l’avait aidé à sauver des druides du jugement impitoyable d’Uther.

An 539
Alors que le royaume était occupé à célébrer la fête de Beltane, Morgane attaqua la cour, aidée par Agravain, l’oncle et conseiller d’Arthur, d’Hélios et de son armée. Si elle parvint à s’emparer du trône, Arthur et ses chevaliers parvinrent à s’échapper. Ils firent la connaissance de Tristan et Iseult sur le chemin pour Ealdor. Malheureusement, ils furent vite rattrapés par l’oncle déloyal et ses hommes et Agravain confronta Merlin dans les caves où ils s’étaient réfugiés. La véritable nature de Merlin révélée, celui-ci n’eut pas d’autres choix que de tuer l’oncle d’Arthur avant que celui-ci n’en fasse de même avec lui. Le sorcier aida Arthur à retrouver confiance en lui après la perte de Camelot et la trahison de sa demi-sœur ; sous les conseils de Freya, la Dame du lac, il récupéra l’épée sur laquelle Kilgharrah avait soufflé pour que celle-ci soit capable de tuer ce qui ne pouvait pas l’être et enferma l’arme dans un socle de pierre de sorte à ce que personne d'autre qu'Arthur ne puisse s'en emparer, le Grand Dragon lui ayant rappelé une nouvelle fois quelles conséquences funestes Excalibur pourrait avoir dans d'autres mains. Il invita Arthur à découvrir qu’il était le seul vrai roi de Camelot en retirant l’épée de la pierre devant son peuple, émerveillé. Fort de la confiance en lui qu’il avait retrouvée, c’est ensemble qu’ils parvinrent à reprendre Camelot des mains d’Hélios et de Morgane. Cela ne se fit pas sans heurt, car Iseult périt pendant l’assaut et de nombreuses vies ne purent être épargnées.

Arthur demanda Guenièvre en mariage pour la seconde fois et celle-ci accepta, devenant Reine de Camelot et accomplissant la prophétie de Morgane, qui avait fui dans la forêt sans être retrouvée.

La vie à Camelot pouvait reprendre, mais Merlin savait que de nombreuses embûches les attendaient dans la poursuite de leur destin. Fort heureusement, il avait pu compter sur la présence des chevaliers de la Table Ronde, avec qui ils avaient vécu de formidables aventures pendant près de seize années. Fidèles à Arthur, ils s’amusaient tous de la relation qu’entretenait le nouveau Roi avec son serviteur ; ils y prenaient même part en s’amusant gentiment aux dépens de Merlin, lorsqu’ils partaient ensemble à l’aventure. Si tout les séparait, ils avaient pourtant tissé une profonde amitié qui annonçait l'avènement de la prophétie : la magie pouvait bel et bien un jour coexister avec les Hommes dans le royaume de Camelot.